1kg de fraises importé = 5l de pétrole!

Les fraises suisses de saison, 0.2 litre. Selon le 1er sommet Suisse sur le système alimentaire, seule une taxe sur ce CO2 inutile permettrait de stopper cela. Cette nouvelle posture va changer la façon des suisses de se nourrir et même la politique des paiements directs. Les paysans du pays auront un grand rôle à y jouer.

 



Expliquer et vendre les atouts de nos produits durables : une opportunité pour nos productions et cultures alimentaires, dans lesquelles nos agriculteurs sont bien formés, agiles et dynamiques.

Début de la faim ? Les citoyens se mobilisent

Luca Piccin : 
Vous avez participé la semaine dernière aux côtés de Guy Parmelin et 80 citoyens choisis au hasard au premier sommet suisse. Que pouvons-nous en attendre sur nos fermes ?

Luca Piccin : Oui, le 2 février 2023 s'est tenu à Berne le premier Sommet Suisse sur le système alimentaire. Près de 300 représentants d'organisations agricoles, industrielles, environnementales et de consommateurs ont rencontré des scientifiques et décideurs pour discuter de l'avenir du système alimentaire suisse. La conclusion du sommet : une transformation gagnant-gagnant du système alimentaire qui sert à la fois l'environnement, les producteurs et la population est possible. Pour y parvenir, des mesures concrètes doivent être prises rapidement tout au long de la chaîne de valeur, en ligne avec les objectifs glovaux de développement durable (ODD).

On veut donc taxer le CO2 contenu dans certains aliments ?

Luca Piccin : Oui, c'est l'une des options. Ce que l'on ne veut plus voir dans nos étalages, ce sont plutôt ces produits qui ont voyagé à travers le monde. Une viande de St-Ursanne, oui, un boeuf d'Uruguay avec des portions de 400g par personne au restaurant, non ! Mais tout cela est complexe : une pomme suisse stockée jusqu'en juillet dans nos chambres froides peut potentiellement nécessiter plus d'énergie que de l'importer ! Finalement, cela devrait mettre en valeur la production de saison, régionale et suisse basée sur les herbages.

PHOTO :
Luca Piccin
"1 kg de fraises de la région, acheté en saison (mai, juin, juillet), nécessite 0.2 litre de pétrole. S'il est produit outre-mer et qu'il est transporté en avion, il faudra 4.9 litres de pétrole, soit 25 fois plus". Selon les représentants des consommateurs présents à Berne "Seule une taxe sur le CO2 inutile permettrait de stopper cette aberration environnementale".
Olivier Boillat "Cette nouvelle posture va changer la façon des Suisses de se nourrir et même la politique des paiements directs. Les paysans du pays auront un grand rôle à y jouer, en partant des nouveaux besoins des consommateurs : il faudra expliquer et vendre les atouts de nos produits durables. Je le vois comme une opportunité pour nos productions laitières et de viandes à partir d'herbages, les cultures alimentaires et autres domaines dans lesquels nos agriculteurs sont bien formés, agiles et dynamiques pour encore mieux remplir ce rôle nourricier et entreprenarial".

Experts et citoyens s'accordent-ils sur des recommandations politiques ?

Luca Piccin : En préparation du sommet, un groupe d'experts scientifiques et une "Assemblée de citoyens" ont élaboré, de manière indépendante, des recommandations détaillées pour l'élaboration d'une politique alimentaire durable. Le groupe d'experts a analysé les domaines dans lesquels il est le plus nécessaire d'agir et la manière dont les leviers doivent être actionnés pour atteindre les objectifs sociétaux. Les recommandations de l'assemblée citoyenne, quant à elles, montrent quelles mesures peuvent obtenir un soutien majoritaire au sein d'une population informée. Les deux processus sont arrivés à des conclusions similaires. Par exemple, les deux organes recommandent un soutien ciblé pour le passage à une production durable, tout en offrant des incitations à une consommation durable. En réduisant la consommation excessive de certaines viandes, le degré d'autosuffisance de la Suisse peut même être augmenté. Compte tenu des revenus souvent faibles dans le secteur agricole et alimentaire, un changement du système alimentaire doit également être conçu de manière à être socialement juste, jusque dans les revenus agricoles.

Peu d'avancées sans un engagement fort de la Confédération. Pour y parvenir, les responsables politiques doivent créer les conditions cadres nécessaires. Dans son discours de bienvenue, le Conseiller fédéral Guy Parmelin, responsable du secteur agricole et alimentaire, a souligné que les recommandations de l'"Assemblée des citoyens" et du "Groupe d'experts" coïncident avec l'orientation future de la politique agricole. Ce qui est très positif. Toutefois, le Conseil fédéral fixe l'horizon à 2050 et les mesures à moyen terme sont plutôt de nature cosmétique, par exemple : revoir la date limite de consommation des aliments. Au lieu de mettre entre parenthèses la transformation du système alimentaire, le sommet a rappelé que c'est maintenant qu'il faut agir, en commençant par intégrer les recommandations présentées dans le débat politique et en négociant une mise en oeuvre dans des délais plus courts avec les différents acteurs.

Les acteurs de la distribution doivent également agir ?

Luca Piccin : Les participants au sommet se sont accordés à dire que la production et la consommation ne changeront que si des mesures efficaces sont également mises en oeuvre au niveau de la grande distribution. Lorsque les citoyens, les scientifiques et l'administration parviennent indépendamment les uns des autres à des conclusions similaires, il est temps que le secteur de la distribution agisse lui aussi avec plus de cohérence. La durabilité de notre alimentation ne doit plus être positionnée dans le haut de gamme et devrait être à la portée de tous.

Luca Piccin est membre du CEDD Agro Eco Clim
Propos recueillis par Olivier Boillat

 

 

 

 

 

 



1kg de fraises importé = 5l de pétrole!