Place d'apprentissage

Raison sociale / NomLes Planchettes SA
NomAurélien Lüthi
AdresseRue des Planchettes 35
Localité2900 Porrentruy
Téléphone032 465 93 47
Emailaurelien.luthi@lespenates.ch
Raison sociale / NomLes Planchettes SA

Description de la place

La science du sol en action au travers d’un concours de slips

ou “…Mais qui a mangé mon slip ?!?”

Exposition des slips du concours pendant la journée de clôture. Photo © FRI

Dans le cadre de la journée de clôture du projet Terres Vivantes, un concours ludique de science participative a été mis sur pied… ou plutôt sous terre ! Ce concours, bien plus qu’un simple clin d’œil humoristique, est une expérience grandeur nature qui a été menée par 70 participant·e·s et basée sur un test scientifique qui permet de mieux comprendre l’incroyable vie microbienne souterraine et de mettre en lumière son rôle essentiel dans le fonctionnement des sols.

Le concours

Image © Stéphanie Berberat

Le concours « Sors ton slip ! » a proposé de réaliser un « test du slip ». Une manière très parlante d’évaluer et de rendre visible la santé et la fertilité d’un sol. Le principe proposé aux participant·e·s était très simple : il s’agissait d’enterrer à 10-15 cm de profondeur un slip en coton biologique pendant huit semaines, puis de le déterrer pour observer son état de décomposition. Plus le slip est dégradé, plus le sol est vivant et actif sur le plan microbiologique. Les propriétaire des trois slips les plus décomposés ont été récompensés.

Exposition temporaire des slips du concours, dans le bâtiment principal de la FRI à Courtemelon. Photo © FRI.

Les trois gagnants de notre concours « Sors ton slip ! » : de gauche à droite, Stéphane Scheidegger de Mettembert (3ème), Walter Habegger de Crémines (1er) et Thierry Droz de Nods (2ème). Photo © FRI

Principe du « test du slip » ou « cotton strip test »

Le test du slip, découle à l’origine d’un test appelé “cotton strip test” qui utilisait des bandes de coton préalablement pesées et soumises ensuite à la dégradation par les organismes du sol. Ce test a été initialement développé dans les années 1980 en Grande-Bretagne, puis repris au Canada, pour évaluer l’activité microbienne dans les sols. En effet, les bactéries, champignons, et autres microorganismes du sol décomposent la matière organique pour s’en nourrir, en utilisant le coton comme source de carbone et d’énergie. En effet, le coton est constitué à 95 % de cellulose, une fibre naturelle. Seules restent les parties élastiques, non biodégradables. Dans ce test, un morceau de coton (généralement une bande de tissu en coton biologique) est enterré dans le sol, et après une période définie (souvent quelques semaines), il est déterré pour évaluer son niveau de dégradation. Plus le tissu est décomposé, plus l’activité biologique dans le sol est intense, indiquant un sol sain et actif, capable de recycler la matière organique. Dans un seul gramme de sol, on peut retrouver plus de 1 milliard de bactéries ainsi que 5 kilomètres de mycélium de champignons, illustrant ainsi la richesse et la complexité de la biodiversité du sol.

Le test du slip a été repris et popularisé en Suisse également par Agroscope dans le cadre de la campagne de science citoyenne “La preuve par le slip”, lancée en 2021 et à laquelle 1 000 personnes ont pris part. Des agriculteurs·trices et des citoyen·ne·s suisses ont été invité·e·s à enterrer des slips en coton biologique dans leurs champs ou jardins pour observer la santé de leurs sols. Le principe de cette démarche repose sur la capacité des microorganismes du sol à décomposer la matière organique, et donc à fournir une indication visuelle simple de la qualité du sol en fonction de la vitesse de dégradation du coton. Cette campagne visait à sensibiliser le public sur l’importance de la vie souterraine et de la fertilité des sols.

Pourquoi le slip en coton se décompose-t-il ?

Le coton est une matière naturelle composée de cellulose, une molécule complexe consistant en une longue chaîne de molécules de glucose, que seuls certains organismes sont capables de décomposer. La cellulose est dégradée par des enzymes spécialisées appelées cellulases. Ces enzymes sont produites par des organismes microscopiques dits « cellulolytiques », tels que les bactéries Cellulomonas spp. et les champignons Trichoderma spp. qui se nourrissent de la cellulose contenue dans les fibres du slip.

Les micro-organismes décomposeurs

  • Bactéries cellulolytiques:
  • Cellulomonas spp. : Ces bactéries sont spécialisées dans la dégradation de la cellulose et sont souvent présentes dans les sols fertiles.

  • Bacillus subtilis : Très commun dans les sols, ce bacille est connu pour ses capacités à dégrader la matière organique, dont la cellulose.

  • Champignons cellulolytiques :
  • Trichoderma spp. : Ce genre de champignons est célèbre pour ses capacités à décomposer la cellulose, mais aussi pour ses propriétés bénéfiques pour la santé des plantes.

  • Aspergillus spp. : Ces champignons sont souvent impliqués dans la dégradation des fibres végétales et se retrouvent couramment dans les sols riches en matière organique.

La chimie de la dégradation

Les enzymes cellulases produites par les microorganismes pour dégrader la cellulose (un polysaccharide, soit un sucre) permettent un processus chimique qui peut être divisé en plusieurs étapes :

1. Hydrolyse enzymatique : en premier lieu, les cellulases coupent les longues chaînes de cellulose en unités plus petites appelées cellobioses (une molécule composée de deux unités de glucose).

2. Dégradation de la cellobiose : les micro-organismes produisent ensuite des enzymes supplémentaires, appelées cellobiases, qui coupent la cellobiose en molécules simples de glucose.

3. Respiration et fermentation : le glucose obtenu est ainsi finalement utilisé par les micro-organismes comme source d’énergie. Dans les environnements bien oxygénés (aérobies), les micro-organismes utilisent le glucose via la respiration, libérant du dioxyde de carbone et de l’eau. En milieu anaérobie (sans oxygène), le glucose peut être fermenté, produisant des composés comme le méthane.

Le taux de décomposition de la cellulose dépend de la concentration et de l’efficacité de ces enzymes cellulolytiques, qui varient selon les conditions du sol.

Détail de la dégradation du coton, en 2 mois sous terre. Photo © FRI

Les facteurs influençant la dégradation du coton

La vitesse et l’efficacité de la décomposition du slip en coton est influencée par plusieurs facteurs écologiques, physiques et chimiques. L’activité microbienne qui dégrade la cellulose dépend directement de la qualité du sol, de son humidité, de son aération, de la température et de la disponibilité des nutriments. Voici en détail les facteurs clés de cette dégradation, ainsi que les processus chimiques impliqués.

  • Qualité du sol, matière organique et disponibilité des nutriments

La richesse du sol en matière organique est l’un des principaux facteurs influençant la dégradation du coton. Les sols riches en humus, par exemple, sont remplis de micro-organismes cellulolytiques (bactéries et champignons) capables de décomposer la cellulose. La disponibilité des nutriments, notamment l’azote, influence grandement la dégradation du coton. La décomposition de la cellulose, composant principal du coton, nécessite l’intervention d’enzymes cellulolytiques, qui dépendent elles-mêmes de la disponibilité en azote. Un sol trop pauvre en azote ralentira ce processus. Un sol bien équilibré avec un rapport carbone/azote favorable permettra une décomposition plus rapide de la matière organique.

  • Humidité du sol

L’humidité joue un rôle primordial dans l’activation des micro-organismes responsables de la dégradation. Un certain niveau d’humidité est généralement optimal pour l’activité microbienne. Trop sec, les microbes entrent en dormance, ralentissant la dégradation. Trop humide, les conditions anaérobies peuvent s’installer, favorisant des micro-organismes qui ne décomposent pas efficacement la cellulose. Les précipitations locales, l’irrigation ou la gestion de l’eau dans les systèmes agricoles jouent donc un rôle crucial.

  • Aération du sol

L’aération du sol, qui permet une bonne circulation de l’oxygène, est cruciale pour la dégradation. Les micro-organismes cellulolytiques, comme Cellulomonas spp. et Trichoderma spp., ont besoin d’oxygène pour respirer et catalyser la décomposition de la cellulose. Un sol compacté, manquant d’air, réduira considérablement cette activité microbienne.

Dans les sols bien aérés, notamment ceux régulièrement travaillés ou naturellement meubles comme les sols limoneux, la dégradation est beaucoup plus rapide.

  • Température

La température est un autre facteur déterminant. La majorité des micro-organismes cellulolytiques prospèrent dans une fourchette de températures allant de 15°C à 30°C. En dessous de 10°C, l’activité microbienne ralentit considérablement, tandis que des températures au-delà de 35°C peuvent tuer ou inhiber certains de ces organismes.


Quels leviers agricoles influencent l’activité des micro-organismes décomposeurs ?

A l’image des trois pôles techniques présentés lors de la journée de clôture du projet Terres vivantes, les organismes microscopiques du sol ont besoin de trouver dans le sol trois aspects leur offrant au final « le gîte et le couvert », soit un habitat présentant des conditions favorables et de quoi se nourrir pour obtenir leur énergie :

  • Amendements organiques : L’ajout de matières organiques (compost, fumier, résidus de culture) fournit une source de nourriture essentielle pour la microfaune du sol, notamment les bactéries et champignons décomposeurs. Cela améliore la disponibilité des nutriments et stimule l’activité microbienne.
  • Travail du sol : Une perturbation limitée du sol, comme le labour peu profond ou la réduction du travail mécanique, permet de préserver l’habitat des décomposeurs et leurs réseaux alimentaires, tout en favorisant une bonne aération et structure du sol.
  • Intensité végétale : La diversité et la densité des cultures créent un pédoclimat favorable (température, humidité) qui soutient l’activité des décomposeurs en fournissant une couverture végétale continue et des résidus de culture.

En conclusion, le concours “Sors ton slip !” a permis de sensibiliser de manière ludique à l’importance de la santé des sols en observant la dégradation de slips en coton, un indicateur simple mais efficace de l’activité microbienne. Il a été l’occasion de discuter également des leviers techniques qui permettent d’agir sur des facteurs comme l’humidité, la texture du sol, l’apport en matière organique, la présence d’une végétation dense qui influencent directement la vitesse de décomposition. L’importance de pratiques issues de l’agriculture de conservation pour préserver la biodiversité et les fonctions des sols a ainsi été mise en lumière.
Grâce à cette initiative, on peut donc dire que les sols ont révélé leurs secrets… jusque dans les moindres fibres du slip ! 😉

Plus d’informations sur la page du projet Terres Vivantes :
https://www.frij.ch/terres-vivantes-2/

Gaëlle Beureux _ FRI

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