La fertilité du sol est essentielle et l’utilisation d’engrais de ferme joue un rôle crucial dans ce processus. Cependant, tous les engrais ne sont pas égaux. Comprendre leurs différences vous aider à optimiser la fertilité de vos sols à court et à long terme.
C/N, qu’est-ce que c’est ?
Le rapport carbone/azote (C/N) est un indicateur important. Pour évaluer les différences entre les engrais de ferme. Il nous dit si un engrais va donner de l’énergie rapidement ou lentement aux plantes. Par exemple :
- Un faible C/N (< 10) signifie beaucoup d’azote, donc énergie rapide pour les plantes.
- Un C/N élevé, comme celui du bois raméal fragmenté (BRF), se transforme d’abord en humus et nourrit le sol sur le long terme.
Intervalles de valeurs possibles de C/N pour chaque type d’apports (cette valeur varie en fonction de la composition, de l’origine, etc. de chaque apport) | ||||
Digestat liquide | Lisier (bovin) | Fumier composté (bovins) | Fumier frais (bovin) | Bois Raméal Fragmenté |
7 à 8 | 7 à 11 | 15 à 20 | 20 à 30 | 50 à 200 |
Engrais à Faible C/N : Un Coup de Pouce Immédiat
Les engrais à faible rapport C/N, comme les digestats, sont riches en azote. L’azote est un nutriment essentiel pour les microorganismes du sol, qui le transforment en nutriments disponibles pour les plantes. Ces engrais offrent un coup de pouce rapide aux plantes.
Cependant, il est important de noter que ces engrais ne laissent pas beaucoup de matières organiques humifiées dans le sol. Ils sont excellents pour une fertilité à court terme, mais ils ne contribuent pas autant à la santé du sol à long terme.
A noter que l’apport d’engrais de ferme ou minéraux riches en azote aura une incidence sur le stock d’humus. En effet, une unité d’azote a le pouvoir de minéraliser 4 unités de carbone à travers l’activité microbienne.
Lisier méthaniser (C/N =7) : représentation de la quantité de carbone (en bleu) et d’azote (en jaune) et l’apport théorique d’humus (en vert)
Engrais à C/N Élevé : Une Fertilité Durable
Les engrais à rapport C/N élevé, comme le fumier composté, contiennent plus de carbone que d’azote. Lorsque vous épandez ces engrais, les microorganismes du sol doivent puiser dans les réserves d’azote du sol pour minéraliser le carbone. Cela peut créer une “faim d’azote” temporaire, limitant l’azote disponible à l’instant. Cependant, une partie du carbone se transforme en humus, qui est bénéfique pour la structure et la santé du sol à long terme.
Ces engrais agissent comme des amendements, nourrissant le sol de manière durable. Ils aident à former de l’humus, améliorant la rétention d’eau et la structure du sol, ce qui est essentiel pour une fertilité à long terme.
Fumier composté (C/N =25) : représentation de la quantité de carbone (en bleu) et d’azote (en jaune) et l’apport théorique d’humus (en vert)
Déficit en Matières Organiques : l’urgence de nourrir aussi les sols
Les vraies* analyses de sols réalisées dans le cadre des prestations écologiques requises montrent un déficit en matières organiques dans la majorité des sols de Suisse. Cela se traduit par un rapport matières organiques / argiles proche de 14% alors qu’il devrait être au minimum de 17% pour garantir la résilience des sols face aux contraintes. Il est donc primordial de nourrir ses sols.
S’il parait donc évident de devoir nourrir ses plantes, nous oublions régulièrement que nourrir son sol est essentiel. Les activités agricoles (travail du sol, fertilisation minérale ou encore export des parties végétales) consomment du carbone organique. Il faut donc également réfléchir « amendements organiques ». (C/N supérieur à 20).
Alors quand, quoi et où ?
La gestion des engrais de ferme doit répondre à des objectifs précis ! Les engrais de ferme à faibles C/N nécessiteraient d’être amenés au moment où une culture est capable de valoriser l’azote. A contrario, les amendements organiques, avec leur C/N élevé, doivent avoir du temps devant eu pour se transformer en humus afin de nourrir le sol tout en gérant la faim d’azote afin qu’elle n’impacte pas les rendements de la culture de rente.
En d’autres termes, l’apport de lisier sur sol nu ou dans une période de faible activité édaphique n’aura comme vertu que de vider la fosse mais n’aura pas ou peu de plus-value sur les rendements voire aura même une incidence négative sur le sol.
Pour conclure, il est conseillé aux exploitations avec lisier méthanisé, purin ou lisier peu pailleux d’avoir une stratégie « amendements organiques » en utilisant par exemple les engrais verts ou le BRF afin de garantir de la nourriture au sol. Pour les agriculteurs qui compostent systématiquement leur fumier, des apports d’azote facilement disponible doivent éviter les effets négatifs de la faim d’azote.
Luc Scherrer avec le soutien de Sarah Rey et Amélie Fietier